jeudi 21 février 2008

PEINTURES 2008 (Deuxième partie)

"Contrôle n°7", 2008. Acrylique sur toile. 210X180cm


Détail n°7



Détail n°7



mercredi 13 février 2008

TEXTE DE GUY MORANT SUR MON TRAVAIL.


Un tronc d’homme évoquant un écorché anatomique, enfermé dans un circuit imprimé. Une forme humanoïde émergeant d’une machine-outil. Les perspectives inhumaines d’un tapis roulant de centre commercial, d’un viaduc d’autoroute ou d’une gare. Des tours apparaissant derrière des barreaux, prison à l’intérieur d’une prison. Un SDF couché sur une bouche d’aération, au milieu des palissades d’un chantier.

L’œuvre picturale et photographique de Julien Boyer, un jeune artiste vivant à Marseille, explore la zone-frontière entre le monde humain et celui des machines, cet entre-deux où le sens s’évapore. La catastrophe a déjà eu lieu ; poussière, débris, corps déchirés, installations industrielles en voie d’obsolescence composent le tableau d’un univers aliénant qui est déjà le nôtre. Désincarnés, les humains qui peuplent ce cauchemar n’essaient plus de fuir. Hébétés, ils semblent se résigner à n’être plus que « les fantômes dans la machine ». Dans un texte explicatif, voici comment l’artiste présente son travail :

« Mes recherches s’articulent autour du milieu industriel. Ce cadre est pour moi représentatif de la complexité du monde contemporain : Les interdépendances, la globalisation, l’uniformisation de nos sociétés,…
Ainsi, par le biais de la peinture, je représente l’homme, au milieu de toutes ces technologies, ces machines, pour montrer une nouvelle forme de contrôle, de régulation de la vie humaine. Ces circuits imprimés sont pour moi intéressants, car je les compare aux ensembles architecturaux, aux réseaux urbains et aux nanotechnologies. Effectivement, par leur graphisme, on retrouve toutes les qualités d’un plan urbain détaillé, sauf qu’ici on touche à l’infiniment petit. Toutes ces technologies se dématérialisent et font intégralement partie de nous, ainsi, tout comme les réseaux citadins, ils conditionnent nos mouvements, nos vies. »

Diplômé de l’école des Beaux Arts de Lorient, Julien Boyer maîtrise une large palette de techniques, comme la soudure à l’arc, le travail du bois, la gravure, mais aussi la retouche d’images (Photoshop) et le montage vidéo. Cet intérêt pour les procédés industriels se manifeste également dans ses recherches : le thème de la machine apparaît dans plusieurs séries de peintures, d’installations et de photographies retouchées. En guise d’introduction à son site circuit imprimArt, il cite l’Établi, du sociologue Robert Linhart :

« (…) Et si l’on se disait que rien n’a aucune importance, qu’il suffit de s’habituer à faire les mêmes gestes d’une façon toujours identique, dans un temps toujours identique, en n’aspirant plus qu’à la perfection placide de la machine ? Tentation de mort. Mais la vie se rebiffe et résiste. L’organisme résiste. Les muscles résistent. Les nerfs résistent. Quelque chose, dans le corps et dans la tête, s’arque-boute contre la répétition et le néant. La vie : un geste plus rapide, un bras qui retombe à contretemps, un pas plus lent, une bouffée d’irrégularité, un faux mouvement, la “remontée”, le”coulage”, la tactique de poste ; tout ce par quoi, dans ce dérisoire carré de résistance contre l’éternité vide qu’est le poste de travail, il y a encore un temps, même monstrueusement étiré. Cette maladresse, ce déplacement, ce déplacement superflu, cette accélération soudaine, cette soudure ratée, cette grimace, ce “décrochage”, c’est la vie qui s’accroche. Tout ce qui, en chacun des hommes de la chaîne, hurle silencieusement : “Je ne suis pas une machine !”. »

L’humanité réduite à un décrochage dans l’impeccable ronronnement de la machinerie industrielle : là réside peut-être le sens caché de cette œuvre naissante. « Regardez bien cette ombre qui s’éloigne, cette tache sanglante au milieu d’un circuit imprimé, cette silhouette floue à travers une vitre », semble nous dire Julien Boyer, « car c’est vous que je peins, sous la forme d’une imperfection troublant les mornes alignements de la modernité. »



Guy MORANT (http://megamachine.free.fr)